lundi 6 mai 2013

Interview n°1 de Merlin Parpaing


Aujourd'hui je reçois le célèbre charlatothérapeute Merlin Parpaing, déjà condamné pour escroquerie et exercice illégal de la médecine dans les années 90. 


Zoélie F. : Bonjour Merlin, merci d'avoir accepté mon invitation. Comme je te l'ai dit, mes apprentis-charlatans sont très intéressés par l'expérience du vieux renard que tu es. 

Merlin P. : Bonjour Zoélie, je préférerais que tu t'abstiennes de me traiter de vieux renard. De quoi veux-tu qu'on parle ? 

Z.F. : Eh bien, par exemple tes condamnations, elles remontent à une vingtaine d'année. Depuis, tu as repris tes activités mais sans te faire condamner. C'est de la chance ou bien tu as modifié tes pratiques ? Tu as des astuces à indiquer à mes élèves ? 

M.P. : Globalement, je fais toujours la même chose, mais je suis plus prudent. Comme tu le sais, n'étant pas médecin inscrit à l'Ordre, je n'ai pas le droit de prescrire. A l'époque, je m'étais fait coincer parce qu'un plaignant avait produit un document écrit de ma main sur lequel était indiqué qu'il devrait prendre une cuillerée de potion magique, matin, midi et soir. Je continue à prescrire mon remède à mes clients, comme s'il s'agissait d'un traitement médical digne de ce nom, mais je leur laisse le soin d'écrire eux-même la posologie. Pas bête, non ? 

Z.F. : En effet. Une autre astuce ? 

M.P. : Oui, comme la plupart des autres, d'ailleurs, je prends soin de préciser sur tous mes documents commerciaux (publicité, site internet...) que ma pratique n'est pas concurrente de la médecine conventionnelle, mais complémentaire. 

Z.F. : Mais si les gens vont chez les médecin, ils risquent de penser qu'ils n'ont pas besoin de toi ...

M.P. : J'insiste sur la complémentarité : je dis que les médecins font des choses que je ne fais pas, et que moi, je fais des choses que les médecins ne savent pas faire. Et j'ajoute que mes clients doivent décider de la poursuite, de la modification ou de l'arrêt de leur traitement médical en accord avec leur médecin traitant. Comme ça, on ne peut rien me reprocher : si l'état de santé d'un client s'aggrave, je ne suis pas responsable. 

Z.F. : Je vois, tu prends tes précautions... mais, tes clients, qui paient assez cher tes prestations, tu croies qu'ils continuent à aller voir le médecin ? D'autant que tu te vantes d'avoir de super résultats... 

M.P. : Oui, je peux me vanter d'avoir de super résultats : une part de mes clients prennent aussi un traitement médical classique parallèlement à mes prestations, ça aide. Si leur état s'améliore, je n'ai aucun mal à les convaincre que c'est grâce à moi. Il y a aussi des tas de troubles plus ou moins mineurs qui disparaissent spontanément. Je ne manque pas de m'en attribuer le mérite. 

Z.F. : et pour les autres clients ? 

M.P. : Bon, vu les espoirs de guérison que je fais miroiter avec ma méthode naturelle sans effets secondaires, il y a effectivement des gens atteints de pathologies sérieuses, qui sont un peu rebutés par les contraintes du traitement médical conventionnel qu'on leur propose et qui laissent tomber la médecine allopathique pour tout miser sur ma charlatothérapie... évidemment, ceux-là, ils finissent par avoir des ennuis. Mais si je leur disais dès le départ que je ne peux rien faire pour eux, tu croix qu'ils me laisseraient autant d'argent ? Si j'insiste autant sur la liberté thérapeutique et la responsabilité individuelle, j'ai mes raisons. 

Z.F. : OK, et puisqu'une part de ta clientèle continue à être suivie par de vrais médecins, comment t'y prends-tu pour faire croire que ta thérapie a la moindre efficacité ? 

M.P. : Oh, il y a plein de trucs ! Déjà, accueillir sympathiquement son client, l'écouter, lui donner du temps, faire comme si on le considérait comme quelqu'un d'important, ça lui permet d'évacuer une part de ses tensions. Donc même si on ne soulage pas ses problèmes physiques, il a l'impression qu'on va très bien s'occuper de lui et ça lui donne une bonne impression. Il y aussi le fameux effet placebo. Sans oublier tout mon talent pour attirer l'attention de mon client sur le moindre signe qui sera évidemment interprété comme un début d'amélioration. Et puis, je compte aussi sur le traitement médical pour faire le reste. Mais ce n'est pas tout, comme je te le disais, il y a aussi plein de symptômes gênants peu ou pas pris en charge par la médecine conventionnelle et qui ont tendance à guérir spontanément ou à être cycliques... 

Z.F. : Tu as des exemples ?

M.P. : Oui. Par exemple, un grand classique : les règles douloureuses. Je dis à la cliente de venir me voir, si possible, au premier jour de son cycle. Je lui fais mon petit tour de passe-passe et je lui assure que dans trois jours maximum elle se sentira mieux. Et en effet, au bout de 3-4 jours, les douleurs sont bien atténuées. Si c'est pas une preuve de l'efficacité de mon travail, ça ! Pour l'acné juvénile aussi, je suis très performant. Le travail est long, certes, mais j'ai 95% de succès en cinq ans de traitement ... évidemment, la plupart des clients ne vont pas jusqu'au bout du traitement... 

Z.F. : Mmm... T'aurais pas plus convaincant ? 

M.P. : Si, bien sûr ! Bon, pour traiter mes clients, je les fait allonger sur une table de massage. Je leur demande de fermer les yeux et de prendre trois respirations profondes. Ensuite, je fais mon  petit rituel de charlatothérapie en veillant à ce qu'ils se détendent bien. Dans cet état de relaxation plus ou moins profonde, leur rythme cardiaque se ralentit. Une fois la séance terminée, il se relèvent. Le retour rapide à la position verticale après un état de relaxation peut entraîner une sensation passagère de vertige... 

Z.F. : ... et tu leur dis que c'est un des effets de ton mégnétisme, pas vrai ? 

M.F. : T'as tout compris, j'ai un fluide très puissant, héhé. Bon, il y a aussi des symptômes gênants, douloureux, qui inquiètent beaucoup ceux qui les ressentent, mais qui pourtant disparaissent souvent spontanément. Par exemple, les hernies discales disparaissent spontanément dans à peu près 75% des cas, et en général les médecins prescrivent des anti-douleurs. Les malades sont souvent assez frustrés car ils ont l'impression que leur médecin ne prend pas leur pathologie au sérieux. Et moi, je joue sur du velours, j'en profite bien pour dire que décidément les médecins se contentent de traiter les symptômes alors que moi, je m'occupe des causes. Et ça, c'est bon pour mon image. Et dans 75% des cas, les symptômes disparaissent et les clients pensent que c'est grâce à moi. Et alors, ces clients-là, je peux te dire qu'ils me ramènent du monde !

Z.F. : Aurais-tu des précisions ou des remarques à formuler par rapport aux cours que j'ai déjà mis en ligne ? 

M.P. : Il me semble qu'il y a déjà quelques notions de base fort utiles pour se lancer, mais bien sûr, ce n'est qu'un début. J'ai bien aimé la règle des 5 tions, par exemple. Mais il est possible de réussir sans la respecter à la lettre. Comme tu le sais, l'imposture n'a qu'un visage, mais elle se pare de bien des masques. 

Z.F. : Eh bien Merlin, je te remercie pour cette interview. Serais-tu d'accord pour revenir et nous faire part de ton expérience ? 

M.P. : Pas de problème. T'as pensé à mon enveloppe ? 




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4 commentaires:

  1. J'ai adoré lire cette interview! Un vrai bonheur! Il est vrai que l'on pense à beaucoup de domaines pour le charlatanisme... mais on oublie l'exercice illégal de la médecine! Je trouve effrayant de songer que notre médecin n'est peut-être pas plus qualifié que nous. En effet, il ne me viendrait pas à l'idée de lui demander ses diplômes en allant le voir! =/
    Bref, encore un magnifique article! =)

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    1. Merci Christelle pour votre commentaire :).
      Moi non plus, je n'ai jamais demandé à un médecin de me montrer ses diplômes.
      En fait, l'exercice illégal de la médecine est majoritairement le fait de "thérapeutes" sans aucune formation médicale. Parmi eux, certains peuvent essayer de se faire passer pour de vrais professionnels de santé (en portant une tenue blanche, par exemple). Ceux qui usurpent le titre de médecin sont probablement très rares, mais quelques cas ont déjà été médiatisés.
      La plupart des charlatans affirment agir sur les "vraies causes" de la maladie et reprochent à la médecine conventionnelle de savoir seulement traiter des symptômes.
      Là où la médecine doit reconnaître des échecs et des limites, les charlatans, eux, se vantent de leurs succès : selon le type de charlatologie qu'ils pratiquent, ils déterminent la cause de la maladie et décident eux-mêmes en combien de séances ils en sont venus à bout. Evidemment, rien de ce qu'ils avancent n'est vérifiable.
      Ceci dit, le charlatanisme n'est pas réservé aux non-diplômés. Il arrive que des médecins, inscrits ou non à l'Ordre des Médecins, s'engagent dans des pratiques qui relèvent plus de l'escroquerie que de la médecine.
      Bref, je pense que le charlatanisme est plus une question d'état d'esprit que de diplômes.

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  2. Espérons qu'à travers nos sites, les gens apprennent à devenir moins crédules face aux manipulateurs et sociopathes! Qu'ils aient des diplômes ne les empêchent en effet pas d'avoir de mauvaises intentions. N'y a t-il pas un médecin au Brésil, qui aurait tué près de 300 de ses patients... pour libérer des lits!!! =/

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    1. Quelle horreur ! Je n'en avais jamais entendu parler... Il est vrai que plus on se documente sur ce thème et plus on découvre d'histoires ahurissantes, révoltantes ou consternantes.
      Je partage votre espoir. Si nous pouvions vous, moi et beaucoup d'autres, en informant sur les dangers liés à certaines manipulations, contribuer à faire reculer ces dérives, ce serait formidable. Certaines associations et institutions s'y emploient depuis longtemps avec compétence, expérience et engagement... et pourtant, la liste des pratiques douteuses et de leurs victimes ne cesse de s'allonger.

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